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mercredi, 06 février 2013

Sans prendre de gants

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N’en déplaise au père Spielberg mais son dernier film, Lincoln, sonne creux comme une poupée de porcelaine.

 

Trop hagiographique, trop lisse, trop désincarné, trop morne, trop long, trop de barbes touffues, trop trop !

Abraham Lincoln est représenté tel un héros sacrificiel se salissant les mains dans la fange et la corruption politicienne pour le bien de tous en faisant voter le XIIIe amendement interdisant l'esclavage. Mais si Daniel Day-Lewis assure une composition sans fard, l’intrigue n’est pourtant guère palpitante et manque singulièrement d’épaisseur politique. Plonger dans les méandres complexes de l’univers législatif américain, avec tout ce que cela comporte de technicité juridique et de stratégie politique, c’est ce qu’à réussit la série The West Wing de manière autrement plus passionnante (même s’il est difficile de comparer les 2h30 du film aux 110h cumulées de la série).

 

Un (petit) point positif tout de même : Lincoln aura eu au moins le mérite de briser la représentation manichéenne que l’on peut avoir sur le spectre politique aux Etats-Unis en rappelant, pour ceux qui l’ignorait, qu’au XIXème siècle le parti démocrate était esclavagiste. Le même parti qui fera élire Barack Obama deux siècles plus tard… Le film fait néanmoins l'impasse sur l'influence du socialisme utopique envers le seizième Président américain.

 

L’œuvre se veut donc plus pédagogique que filmique au sens où plutôt que de raconter des personnages, Spielberg donne à voir des symboles fédérateurs. Soit l’Histoire filmée à la manière d’un livre d’école par un élève trop bien appliqué. À l’instar de son héros, Spielberg aurait dû ôter ses gants, prendre plus de risques et moins de précautions.

 

Une bonne chose pour l’éducation historique. Moins pour le cinéma.

 

Sylvain Métafiot


(cliquez sur l'image pour visionner la bande-annonce)

lundi, 04 février 2013

Orwell sur pellicule


 

Article initialement paru sur RAGEMAG

 

Œuvre contre-utopique par excellence, 1984 de George Orwell a depuis longtemps connue une prospérité indéniable dans les salles obscures. Pas tant en termes d'adaptation qu'en celui d'influence. D'Alphaville de Jean-Luc Godard à Matrix des frérots Wachowski, en passant par Brazil de Terry Gilliam et Equilibrium de Kurt Wimmer, petite virée dans le cauchemar orwellien sur grand écran. Mais pas que...

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samedi, 26 janvier 2013

En chute libre

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« À condition de se poster aux bons endroits, le touriste est plus facile à exterminer que la vipère »

Jonathan Swift

 

Quel animal plus pernicieux et répugnant que celui de touriste ? Cet être vulgaire et cuistre ayant comme unique but de comparer les merveilles qu’il visite au guide de voyage qu’il trimbale partout, au lieu de les contempler. Ce lourdaud pathétique s’extasiant devant les devantures en toc des magasins censés reproduire la « culture d’origine » du pays qu’il visite. Ce beauf fatiguant, trépignant d’inquiétude s’il ne retrouve pas son McDo et son feuilleton préféré à l’autre bout du monde ; parce que le pauvre bichon est perdu sans les repères qui servent de boussoles à sa vacuité existentielle. Bref, cette part honteuse de l’être humain dont il serait bien prétentieux de s’exclure.

 

Ben Wheatley semble partager cette opinion puisqu’il nous gratifie, après le terrifiant Kill List, d’une savoureuse comédie, noire comme la gueule d’un mineur d’un film de Ken Loach, drôle comme un sketch de Benny Hill sous acide et méchant comme une rombière un samedi de soldes : le bien nommé Touristes.

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mercredi, 23 janvier 2013

Débarquement de galériens


 

Putain, ils l'ont fait ! Ils ont réussis le tour de force d'être encore plus affligeants qu'Anne Roumanoff et Dany Boon réunis. Qui ? Mais la joyeuse bande du « Grand Débarquement » (Jean Dujardin, Guillaume Canet, Gilles Lellouche et Marion Cotillard), la nouvelle émission de Canal+, avec le sketch le plus lolilesque du monde : « L'ours ».

L'humour made in Canal + débarque ? Accueillons-le à la Maschinengewehr 42 !

 

(Ecoute ça pendant ta lecture, ça met dans l’ambiance.)

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mardi, 15 janvier 2013

Miroir cinématique

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Voici ma participation au narcissique questionnaire du miroir de l'excellent cinéphile Ludovic Maubreuil. Un exercice plus difficile qu'il n'y paraît mais ô combien excitant.

 

1) Avez-vous déjà accroché chez vous une affiche de film ?

Oh que oui ! Et pas qu'un peu. Adolescent, les murs de ma chambre se couvraient du Seigneur des Anneaux, Matrix, Spiderman, La Guerre des mondes, Signes, Minorty report, Charlie et la chocolatrie, Sin City, Alexandre, Les Infiltrés, etc.

Désormais, Le Kid de Chaplin veille dans mon couloir et Harold Lloyd, dans Safety Last, est suspendu dans ma chambre. Mais, la plus belle est celle de La Dolce Vita de Fellini au-dessus de mon lit. Un beau cadeau.

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2) Quelle affiche, placardée à l'intérieur d'un film, préférez-vous ?

Je dirais la pochette de disque de 2001, L'Odyssée de l'espace dans Orange Mécanique. Bon, ce n'est pas une affiche mais là, à brûle-pourpoint, je sèche.

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lundi, 31 décembre 2012

Cimes cinéphiliques 2012

Un classement complètement subjectif, parfaitement arbitraire et, ma foi, sans grande utilité si ce n’est de jeter furtivement un regard en arrière sur cette année riche en œuvres magnifiques… mais aussi en beaux navets bien frais.

 

Sachant que je n’ai pas encore vu 4h44 d’Abel Ferrara et, qu’à mon humble avis, il s’immiscerait insidieusement dans cette liste.

 

Les liens renvoient soit à mes propres articles soit à ceux de bien plus estimables camarades de la Toile. (cliquez sur les affiches pour voir les bandes annonces)

 

Au sommet cette année

 

1) Take Shelter de Jeff Nichols : apocalypse anxiogiène et salvatrice

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2) I wish d’Hirokazu Kore-Eda : mélancolie estivale

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3) Oslo, 31 aout de Joachim Trier : limbes désespérées

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4) Holy Motors de Leos Carax : libre !

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5) Faust d’Alexandre Sokourov : enfer corporel

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6) Le Sommeil d’or de Davy Chou : rêves intemporels

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7) Les enfants de Belleville d’Asghar Farhadi : singularitées contre société

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8) Moonrise Kingdom de Wes Anderson : amour aventureux

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9) Une famille respectable de Massoud Bakhshi : chute de l'empire persan

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10) Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais : magie !

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lundi, 24 décembre 2012

Joyeux Noël post-apocalyptique

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L'ouverture du cinquième sceau de l'Apocalypse (El Greco)

 

« Nous sommes l’homme de la grande patience. Nous sommes l’homme de la dernière attente. Assistés par le Souffle, soutenus par le saint Afflux pneumatique, l’Esprit envoyé Dieu par le Dieu qui se fait agonie afin qu’une humanité seule éprise de se dissocier de la mort achemine sa misère en l’unique et miséricordieux giron qui l’exhaussera, portés par l’haleine de Trinité, nous respirons. Archiques et migraineuses, bouillantes de lumière contenue, nos têtes dardent les orages inchoatifs.

La dernière catastrophe immine. À nos oreilles vibrent déjà les basses fondamentales de cieux buccinaux. »

Maxence Caron, Microcéphalopolis (2007)

 


 

 

« L’homme moderne s’est déjà dépersonnalisé si profondément qu’il n’est plus assez homme pour tenir tête à ses machines. L’homme primitif, faisant fond sur la puissance de la magie, avait confiance en sa capacité de diriger les forces naturelles et de les maîtriser. L’homme posthistorique, disposant des immenses ressources de la science, a si peu confiance en lui qu’il est prêt à accepter son propre remplacement, sa propre extinction, plutôt que d’avoir à arrêter les machines ou même seulement à les faire tourner à moindre régime. En érigeant en absolus les connaissances scientifiques et les inventions techniques, il a transformé la puissance matérielle en impuissance humaine : il préfèrera commettre un suicide universel en accélérant le cours de l’investigation scientifique plutôt que de sauver l’espèce humaine en le ralentissant, ne serait-ce que temporairement.

Jamais auparavant l’homme n’a été aussi affranchi des contraintes imposées par la nature, mais jamais non plus il n’a été davantage victime de sa propre incapacité à développer dans leur plénitude ses traits spécifiquement humains ; dans une certaines mesure, comme je l’ai déjà suggéré, il a perdu le secret de son humanisation. Le stade extrême du rationalisme posthistorique, nous pouvons le prédire avec certitude, poussera plus loin un paradoxe déjà visible : non seulement la vie elle-même échappe d’autant plus à la maîtrise de l’homme que les moyens de vivre deviennent automatiques, mais encore le produit ultime – l’homme lui-même – deviendra d’autant plus irrationnel que les méthodes de production se rationaliseront.

En bref, le pouvoir et l’ordre, poussés à leur comble, se renversent en leur contraire : désorganisation, violence, aberration mentale, chaos subjectif. »

Lewis Mumford, Les Transformations de l’homme (1956), « L’homme posthistorique »

 

Sylvain Métafiot

mardi, 04 décembre 2012

Claquage de barres et pétage de côtes

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« C’est juste pour rire » : ainsi parle la populace. Ce type de rire se présente lui-même comme une forme d’exutoire à bon marché. On ne rit pas pour s’élever au-dessus de sa condition commune, mais on rit justement de ceux qui voudraient le faire, sous prétexte que «on est tous humains, après tout...». Tel est l’humour démocratique : égalitaire et plat. Qu’aujourd’hui l’humour se vende aussi bien ne peut d’ailleurs que susciter notre méfiance.[1]

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mardi, 27 novembre 2012

Pourquoi bosser quand on peut aller au ciné ?

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« L'homme n'est pas fait pour travailler, la preuve c'est que cela le fatigue »

Voltaire

 

« Travail », c'est-à-dire, étymologiquement, tripalium : instrument de torture à trois pieux. C'est de cette souffrance fondamentale que traite la grande majorité des films liés à lui. Des Temps modernes de Charlie Chaplin à La question humaine de Nicolas Klotz en passant par The Navigators de Ken Loach et L'Adversaire de Nicole Garcia, tous critiquent, d'une façon ou d'une autre, cette nécessité économique soit-disant incontournable de la vie.

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mardi, 13 novembre 2012

« Voir le soleil naître différemment », entretien avec Chico Whitaker

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Article initialement publié sur Forum de Lyon.


Dans le cadre des Dialogues en Humanité qui se déroulaient début juillet à Lyon, au parc de la Tête d’Or, nous avons pu, en collaboration avec MédiasCitoyens, Radio Pluriel de Lyon, Soli TV la télé de la solidarité internationale, le Journal Les Antennes de Grenoble et la revue Sens Public, discuter longuement avec Chico Whitaker. Pour le présenter : c’est Le monsieur de Porto Alegre, Le monsieur du Forum social mondial, et de tant d’autres choses.


Vous pouvez  écouter l’interview en intégralité en cliquant ici. Si vous préférez voici une retranscription de cet entretien. Pour vous faciliter la lecture nous avons mis entre parenthèses le positionnement des questions et des réponses sur la bande-son. Bonne lecture… ou bonne écoute.


Chico Whitaker, vous êtes ici aux Dialogues en Humanité dont le thème cette année est « Osons la métamorphose ». Ce n’est pas anodin comme thème. Qu’est-ce qui rejaillit en vous quand on vous parle de métamorphose ?


C’est une notion de changement profond dont le monde a besoin pour régler ses problèmes et ses crises. Nous sommes arrivés presque au seuil d’une nécessitée fondamentale de changer de logique. Le monde vit sous une logique globale. La chute du mur de Berlin a quand même coupé les perspectives alternatives. Le socialisme réel n’était pas ce qu’on voulait non plus mais il ouvrait la voie à une planification au service des besoins humains et pas au service de l’argent. Mais finalement cela n’a pas réussi et ce fut la chute. Et avec ça, tous les murs qui existaient pour empêcher l’expansion de la logique capitaliste sont tombés et cette dernière a envahie le monde entier y compris le dernier bastion socialiste qu’est la Chine, devenu un pays de capitalisme d’État.

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